L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a récemment publié son bilan annuel des expositions professionnelles aux rayonnements ionisants en France (comme les années précédentes).
Diminution de 7 % des effectifs suivis
En 2023, 360 743 travailleurs ont été suivis, dont 23 137 travailleurs exposés à la radioactivité naturelle (rayonnement cosmique pour les personnels navigants). Ce chiffre est en baisse de 7 % par rapport à l’année 2022. Parmi les effectifs suivis, les domaines d’activités concernés sont pour :
- 58 % le médical, le dentaire et le vétérinaire ;
- 24 % le nucléaire ;
- 6 % la radioactivité naturelle (dont l’aviation) ;
- 4 % l’industrie ;
- 3 % la recherche ;
- 3 % des activités non déterminées ;
- 2 % d’autres activités.
À noter que la diminution de l’effectif suivi s’explique par les réductions dans les activités médicales (- 6 %, soit - 9 849 travailleurs, hors activités dentaires), dentaires (- 7 %, soit - 6 996 travailleurs) et vétérinaires (- 16 %, soit - 1 631 travailleurs). En effet, certains établissements médicaux n’ont pas enregistré leurs travailleurs dans le nouveau portail SISERI puisqu’ils ne bénéficient pas de la surveillance dosimétrique individuelle. Au contraire, le nombre de travailleurs suivi a augmenté pour les expositions à la radioactivité naturelle (+ 3 %, soit + 652 travailleurs).
Une dose individuelle moyenne en légère hausse à 0,95 mSv
Concernant le bilan des expositions externes aux rayonnements ionisants en 2023, 75,3 % des travailleurs surveillés sont non exposés ou exposés à des doses inférieures au seuil d’enregistrement, contre 74,5 % en 2022. L’exposition externe concerne les champs de rayonnements ionisants : rayons X, gamma, bêta, neutrons, etc.
Cependant, la dose individuelle moyenne sur l’effectif exposé a légèrement augmenté par rapport à l’année passée avec une valeur de 0,95 mSv alors qu’elle était de 0,90 mSv en 2022 et de 0,85 mSv en 2021. Cette augmentation peut s’expliquer par la diminution des effectifs exposés à de faibles doses (du fait des évolutions règlementaires ils ne sont plus enregistrés dans SISERI) mais aussi l’augmentation de l’exposition dans certains domaines d’activité (industrie, nucléaire, recherche, autres activités par exemple).
En effet, des différences d’exposition sont à souligner entre les domaines d’activité. Les doses individuelles moyennes reçues sont de 1,42 mSv pour l’industrie (0,97 mSv en 2022), 1,35 mSv pour le nucléaire (1,26 mSv en 2022), 1,18 mSv pour l’aviation (1,41 mSv en 2022), 0,81 mSv pour les autres activités (0,68 mSv en 2022), 0,29 mSv pour le médical, le dentaire et le vétérinaire (idem en 2022) et 0,26 mSv pour la recherche (0,33 mSv en 2022). L’ensemble des doses enregistrées représente 84,23 H.Sv en 2023, contre 88,43 H.Sv en 2022.
Au total, 93 % des travailleurs suivis en 2023 ont reçu une dose efficace annuelle inférieure à 1 mSv représentant le seuil à partir duquel un travailleur doit être classé (catégorie B). Moins de 1 % des travailleurs suivis ont reçu une dose efficace supérieure à 6 mSv (catégorie A). Et seulement six travailleurs ont été exposés à une dose efficace dépassant la limite règlementaire de 20 mSv (dont cinq cas non confirmés par le médecin du travail).
Stabilité des examens positifs lors des surveillances de routine et spéciale
Au niveau des expositions internes, la surveillance de routine a été renforcée avec 238 738 examens, contre 231 030 en 2022. Parmi eux, 0,6 % se sont avérés positifs. Un chiffre stable comparativement à 2022. Cette démarche a pour but de vérifier que les travailleurs ne sont pas contaminés dans les conditions normales de travail. L’exposition interne concerne le travail en présence de sources non scellées. Les travailleurs peuvent donc incorporer des substances radioactives par inhalation, pénétration transcutanée, blessure, ou ingestion (hors radioactivité naturelle).
Pour ce qui est de la surveillance spéciale, elle complète la surveillance de routine, et est déployée lors d’un évènement particulier entraînant une suspicion de contamination durant les activités. En prenant tout en compte, 9 098 examens spéciaux ont été réalisés, dont 86 % dans le secteur du nucléaire, contre 9 649 en 2022. Parmi ceux-ci, 1 516 ont révélé un résultat positif, soit 17 %. Là aussi un chiffre équivalent à l’an passée.
Trois focus
Pour terminer ce bilan, l’IRSN présente trois focus. Le premier, sur l’exposition des travailleurs d’ORANO classés en catégorie A ou B, indique que la majorité des travailleurs classés en catégorie A (88 % environ) a reçu une dose inférieure à 6 mSv. 98 % des travailleurs classés en catégorie B ont, quant à eux, été exposés à une dose de moins d’1 mSv. Cependant, 17 travailleurs de catégorie B ont reçu plus de 6 mSv et auraient dû être classés en catégorie A.
Le second focus porte sur le suivi rétrospectif de l’exposition des travailleurs ayant été exposés entre 10 et 20 mSv. Les salariés majoritairement concernés sont ceux du domaine nucléaire (ex. : logistique, maintenance) mais aussi, avec une part plus restreinte, ceux de l’industrie non nucléaire (ex. : contrôles utilisant des rayonnements ionisants). Il faut remarquer que les travailleurs exposés à plus de 10 mSv en 2023 sont globalement les mêmes que ceux exposés à des doses importantes les années passées, mais sans atteindre les niveaux de 2023.
Le troisième et dernier focus s’intéresse aux nouveaux sous-secteurs de la nomenclature de SISERI 2 du secteur de la radiologie interventionnelle. Il en ressort qu’une attention particulière doit être donnée pour l’enregistrement de chaque travailleur auprès de SISERI avec ses informations administratives et notamment son secteur, son sous-secteur et son sous-sous-secteur (ex. : cardiologie, urologie, neurologie, vasculaire, etc.). Cela permettra de mieux faire apparaître les différences importantes entre les doses individuelles moyennes.
L’exigence d’un haut niveau de sûreté nucléaire se confirme
Toujours sur la problématique des rayonnements ionisants, l’IRSN a dévoilé son baromètre 2024 sur la perception des risques et de la sécurité par les Français .
Selon l’analyse, les centrales nucléaires restent, en 2023, les installations qui, d’après les Français, risquent le plus de provoquer un accident grave en France (24 %). L’accident de Tchernobyl est, quant à lui, toujours perçu comme la catastrophe la plus effrayante (39 %).
En matière d’information, les Français s’estiment plutôt mal renseignés sur le risque radon (18 %) ou les accidents de radiothérapie par exemple (25 %). Toutefois, leur confiance est relativement élevée pour les radiographies médicales (44 %) et les centrales nucléaires (42 %) avec une amélioration de 7 points et une entrée dans le top trois du classement.
Une stabilité sur l’opinion des Français en faveur de l’énergie nucléaire est à mettre en avant. 49 % des Français se disent favorables à la construction de nouvelles centrales nucléaires (- 1 point) quand 22 % y sont opposés (+ 2 points). L’exigence d’un haut niveau de sûreté nucléaire se confirme par 82 % des Français, contre 84 % en 2022. Pour eux, les mesures d’amélioration de la sûreté doivent être une priorité (67 %, + 4 points).
Enfin, sur la perception de la radioactivité et des activités nucléaires sur la santé et l’environnement, 55 % des répondants considèrent que la principale source d’exposition à la radioactivité est d’origine artificielle, alors qu’elle est en réalité naturelle dans 66 % des cas (cf. notre brève). En outre, 73 % des Français jugent la fumée blanche qui émane des centrales nucléaires comme un danger pour l’environnement. Ce sont même 81 % d’entre eux qui affirment que le traitement et le rejet dans le Pacifique des eaux utilisées pour refroidir les réacteurs de la centrale nucléaire de Fukushima représentent une opération dangereuse pour la santé humaine et l’environnement.