Les risques liés à la (non) consignation des énergies

Trop souvent encore, on observe un manque de formation et de perception du risque quand il s’agit de travailler sur un équipement arrêté. Car arrêter ne veut pas dire sécuriser… Ce type d’accident a souvent des conséquences humaines graves. On constate 3 grands familles d’accidents liés au contact d’une ou plusieurs personnes avec

• Des pièces nues sous tension
• Des fluides sous pression (ACD, hydraulique, vapeur…) et des pulvérulents
• Des éléments (mécaniques ou non) lors d’un mouvement imprévu

auxquelles il faut rajouter la présence à proximité (donc sans contact direct) avec des températures extrêmes et/ou des rayonnements.

Les types d’énergies à évaluer et leurs conséquences potentielles

• Energie électrique : elle provient de lignes électriques, de batteries… et peut provoquer des blessures par choc électrique, lésions secondaires ou lors d’un arc électrique.
• Energie fluidique comprend les énergies chimiques, hydrauliques, pneumatiques. Les risques sont liés aux propriétés physico-chimiques des produits mais aussi à leur utilisation (pression, température).
  • Chimique : c’est l’énergie dégagée lors d’une réaction chimique, généralement sous forme de chaleur ou pression. L’incendie ou l’explosion sont les conséquences les plus fréquentes.
  • Hydraulique : c’est l’énergie liée à un liquide sous pression. Si elle est libérée par accident, elle peut provoquer des blessures par écrasement ou des lacérations avec pénétration de produit chimique dans les tissus.
  • Pneumatique : c’est l’énergie contenue dans un volume d’air sous pression. Elle expose à des risques d’écrasement.
• Energie mécanique : elle concerne les éléments sous tension qui en cas de libération accidentelle entraîne un mouvement brusque et parfois violent. Outre le risque d’écrasement, les conséquences sont liées à l’impact de cet objet sur une personne présente sur la trajectoire.
• Gravitationnelle : A la différence de l’énergie mécanique, l’énergie gravitationnelle ne nécessite aucune pression ou tension. Seul le poids de l’objet et le fait qu’il soit en hauteur suffisent à créer un danger, tout objet étant soumis à la gravitation.
• Energie de rayonnement : qu’ils soient ionisants électromagnétiques ou optiques, ces rayons peuvent, selon leur intensité provoquer brûlures, maladies cardiovasculaires et cancers.
• Energie thermique : elle résulte d’une explosion, d’un incendie, d’éléments chauds ou froid pouvant entrainer des rayonnements. Brûlures, déshydratation, engelures… sont des risques liés à cette énergie.

Comprendre ces énergies et TOUTES les évaluer permettra une mise en sécurité efficace. Un rappel est primordial car si les énergies électriques et mécaniques sont généralement bien prises en compte, il n’est est pas de même de certaines autres.

Consignation / condamnation des énergies

• Si le terme consignation est souvent utilisé à tort comme un terme générique, il existe pourtant une différence fondamentale avec la condamnation.
  Condamner signifie isoler ; il y a donc une possibilité de fuite qu’il convient d’analyser et de maîtriser. La condamnation passe par un verrouillage de l’équipement tel que seule la personne autorisée ou ayant effectué le verrouillage puisse le supprimer. La pose d’une étiquette n’est donc pas une mesure suffisante pour considérer un équipement en sécurité.
• A l’inverse, consigner conduit à effectuer une isolation renforcée. Aucune fuite ne sera possible. Cette procédure protège contre toute existence ou réapparition d’énergie sur la zone concernée. Cette consignation sera dite partielle si elle ne concerne qu’une partie des installations ou totale si l’ensemble des énergies de la totalité de l’équipement est sécurisé.

Les acteurs de la consignation

• Le chargé de consignation : c’est la personne qui va consigner et déconsigner et qui aura en charge de délivrer les attestations.

• Le chargé de travaux / chargé d’opérations : il dirige les opérations et reçoit les attestions du chargé de consignation. C’est lui qui sur cette base peut autoriser le début des travaux et donnera en fin de chantier l’ordre de déconsigner.

• L’exécutant : il réalise les travaux demandés selon les exigences et contraintes données par le chargé de travaux

Les étapes de la mise en sécurité d’une énergie

1. Définir et cadrer l’opération prévue et analyser les risques
2. Séparer ou isoler
3. Condamner (poser les cadenas)
4. Signaler (préciser qui a fait quoi, quand, où et pourquoi)
5. Identifier (poser les étiquettes et visuels)
6. Dissiper (purger, nettoyer, inerter… pour éliminer les énergies résiduelles potentielles ; attention à ne pas confondre la vidange et la purge)
7. Vérifier (et essayer) (confirmer l’absence d’énergie et de risques résiduels, tester l’absence de fonctionnalité)
8. Contenir (interdire un accès, caler…)

Il conviendra de définir la procédure à suite pour les consignations sur plusieurs jours ou horaires, la passation des consignes et la gestion des cadenas.

Eléments à prendre en compte lors de la consignation des fluides

• La consignation des fluides sera systématiquement précédée d’une consignation électrique et/ou mécanique (pompe, compresseur…)
• Le positionnement des purges devra tenir compte de la nature des fluides (gaz ou vapeurs plus lourds que l’air nécessitant une purge au plus bas par exemple)
  • Pour rappel : la vidange permet d’évacuer les fluides présents alors que la purge sert en plus à maintenir la pression atmosphérique de l’élément. La vidange seule n’est donc pas une technique suffisante pour assurer la dissipation du fluide résiduel.
  • Pour garantir une purge efficace, une attention particulière sera donnée aux canalisations (recherche de point bas, de réservoir, création d’ATEX, état de la purge (pas d’encrassement ni de colmatage)
  • Pour les poussières, la purge ne doit pas pouvoir les mettre en suspension pouvant générer la formation d’une ATEX.
• Lors de la fermeture des vannes, ne pas oublier d’évaluer les circuits auxiliaires
• Une vigilance particulière doit être porté
  • Aux produits aux températures extrêmes (vapeur…)
  • Aux produits incompatibles susceptibles de se rencontrer
  • Aux ACD, notamment les explosifs, corrosifs, inflammables
  • Aux produits susceptibles de d’asphyxier
  • A l’identification des canalisations afin de limiter les risques d’erreur sur la canalisation concernée. Cette identification est réglementée.

Pour les ACD (agents chimiques dangereux) par exemple, l’isolement renforcé sera souvent préconisé. Plusieurs techniques sont envisageables :

• Le joint plein (type queue de poêle) associé à une condamnation sans accumulation possible du fluide
• L’interruption de la tuyauterie ou canalisation
• La disposition de 2 appareils en série, en position fermée avec maintien d’air libre en les deux.

 Eléments à prendre en compte lors de la mise en sécurité des énergies mécaniques et gravitationnelles

• L’objectif de la mise en sécurité des énergies mécaniques et gravitationnelles est d’éviter les mouvements intempestifs. Lorsqu’une dissipation totale n’est pas possible, des mesures compensatoires doivent être prises, telles que l’immobilisation des éléments par bridage, pose de chandelle ou autre. Ces solutions doivent alors elles-mêmes être mises en sécurité et condamnés.
• La phase de déconsignation est délicate sur ce types d’énergies car elle peut nécessité la remise en place de certaines énergies pour retirer les éléments d’immobilisation. De même, oublier de retirer ces éléments peut entraîner des casses machine parfois associées à des accidents graves.

Documents complémentaires

• Carnet de prescriptions. Remis par l’employeur, ce document précise les instructions de sécurité à respecter pour les installations dont le salarié à la charge (Décret n°82-167 du 16 février 1982)
• Registre d’attestation de consignation électrique : document obligatoire, il permet de valider que toutes les opérations de consignation ont bien été faites.
• Signalétique : les étiquettes de consignation doivent être présentes sur les lieux. Elles précisent qui a fait la consignation, quand, pourquoi et la personne habilitée à retirer le cadenas.
• Permis de travail (suite à l’analyse de risques et le choix des mesures compensatoires) : insuffisant tout seul, il doit souvent s’accompagner de mesures additionnelles, telles que le balisage un permis feu, une autorisation d’accès….
• Fiches repère (= fiches LOTO) : ces fiches individuelles par équipements sont fortement recommandées pour indiquer les emplacements de mise en sécurité, le matériel à utiliser, les énergies présentes.
• Dans le cadre de l’intervention d’une entreprise extérieure, la partie liée à la consignation et aux rôles des différents acteurs doit être précisée avec soin dans le Plan de Prévention. Le chargé de consignation est en général un membre de l’entreprise utilisatrice et devra donc se coordonner avec le chargé de travaux.

Maîtriser la consignation nécessite une formation spécifique et ne s'adresse qu'à une certaine catégorie de personnel. En revanche, il est important qu'un responsable de zone, un contremaître ou un manager soit capable d'identifier les bonnes pratiques, de savoir poser les bonnes questions et de s'assurer que les bons moyens de prévention ont été mis en place suite à une analyse de risque appropriée.

De même, si la consignation électrique est en général très bien maîtrisée, il n'en est pas de même pour les autres énergies. Les serious games sont un moyen facile d'aborder un sujet difficile, technique et spécifique pour savoir évaluer une situation dans son ensemble. Cette thématique peut être intégrée lors d'une table ronde pour lever les blocages et partager ses expériences dans le cadre de "Et si c'était nous". Elle peut aussi composé l'un des modules de "L'oeil sécurité" ou de "Kikatrouvé" mais surtout ces rappels sur la mise en sécurité et la consignation s'avèreront particulièrement utiles dans l'espace game développé tout particulièrement pour les techniciens de maintenance, chargés de consignations et éxécutants.